Mission d’Observation à Agadez, Niger

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Du 20 au 30 Octobre 2016, Caritas Sénégal, en tant que coordinatrice de MADE Afrique, a effectué une mission conjointe au centre des migrants géré par l’OIM à Agadez, au Niger. En étroite collaboration avec d’autres organisations partenaires, l’objectif principal de la mission était d’évaluer la mise en œuvre d’un des projets post-Valetta financé par le Fonds Fiduciaire d’Urgence de l’Union Européenne pour l’Afrique et plus particulièrement d’observer dans quelle mesure les droits des migrants et leurs droits de déplacement sont respectés conformément aux Protocoles de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ces Protocoles stipulent la libre circulation des citoyens dans l’espace CEDEAO ainsi que le droit d’y résider et d’établir des activités économiques sur le territoire d’autres pays membres.

La mission d’observation s’est engagée dans des activités de plaidoyer avec les organisations de la société civile (OSC) de l’Afrique de l’Ouest ainsi qu’à une collecte de données sur les entraves à la libre circulation des migrants et les difficultés d’accès aux services sociaux fondamentaux. L’équipe se composait des organisations suivantes : l’Association Nigérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (ANDDH) ; l’Association Mauritanienne de Défense des Droits de l’Homme (AMDH) basée à Nouakchott ; le Réseau Migration et Développement (REMIDEV) basé à Dakar pour le compte du réseau MADE Afrique et l’Association Visions Solidaires (VS) basée au Togo pour le compte de l’Observatoire Ouest Africain des migrations.

La région d’Agadez joue un rôle crucial dans l’accueil des migrants nigériens mais aussi de migrants d’autres nationalités particulièrement en provenance des pays de la CEDEAO. Dans le cadre du Plan d’Action de la Valette, l’OIM, avec le soutien de l’UE and d’autres organisations, a mis en place un centre d’accueil et de retour pour les migrants à Agadez (dans le Sahara), une ville connue pour l’arrivée de nombreux migrants en provenance d’Afrique qui continuent leur voyage à travers la Méditerranée pour atteindre l’Europe. En décembre 2016, le Niger a officiellement été félicité par les autorités de l’UE pour ses efforts en termes de réduction significative des flux migratoires vers l’Europe et a bénéficié d’un soutien financier de plus de 400 million d’euros. Cependant, l’externalisation de la politique migratoire de l’UE affecte négativement le principe de libre circulation des citoyens au sein de l’espace de la CEDEAO, rendant les routes migratoires de plus en plus dangereuses. En effet, les migrants sub-sahariens en transit par le Niger, sont souvent victimes de diverses violations de leurs droits, de violence exercée par les autorités policières, d’arrestations, d’expulsions et/ou d’un accès discriminatoire aux services fondamentaux de base.

Dans ce contexte, la Mission a procédé à un état des lieux sur la situation des migrants dans le centre et les défis qu’ils encourent quotidiennement. Un des constats était le manque de données quantitatives et qualitatives sur la migration et le manque de campagnes de sensibilisation sur les conséquences des migrations irrégulières. De plus, la Mission a également observé une absence flagrante de stratégies de protection et d’assistance pour les migrants, notamment pour les femmes, les enfants et personnes vulnérables. Le rapport de Mission a fait part de violations graves des droits des migrants dans ce centre qui sont forcés de retourner dans leur pays d’origine, même si Agadez fait partie de la région de la CEDEAO. Les OSC ont interpellé leurs propres gouvernements Africains d’adapter les politiques nationales migratoires et législations en conformité avec les principes de la CEDEAO.

Concernant le suivi et les recommandations, la Mission a adressé le besoin de développer de nouvelles perspectives potentielles pour un meilleur suivi de la situation à Agadez et d’établir une approche compréhensive basée sur les droits des migrants pour effectivement prendre en charge la problématique en question.

Comme partie intégrale du processus de collecte d’informations, une série de témoignages avec les migrants eux-mêmes ont été reproduits, qui illustrent clairement la situation des migrants au Niger : 

« Je suis Sénégalais, j’'ai fait 6 mois en Libye, mais c'est une situation difficile ; nous sommes traqués partout et on nous prend tout ce que nous gagnons. Je voulais traverser et aller en Europe, avec mes amis qui étaient avec moi, mais certains sont décédés. Et ensuite, j'ai pris la décision de rentrer au Sénégal; alors l'OIM a accepté de nous ramener vers Agadez, mais en cours de route, nous avons subi une attaque et quatre parmi nous ont eu des blessures au dos et aux reins […] »

 

« Moi je m'appelle Alpha Baldé; je viens de Kolda, j'ai travaillé en Libye, et j'avais fait des économies et épargné de l'argent; mais un jours des groupes nous ont pris, et ils m'ont pris toutes mes économies; et nous ont mis dans une prison; tous les jours, ils nous bastonnaient; par la suite, je me suis échappé […] »

 

« Nous venons de la Guinée, et nous sommes passés par le Mali, puis, le Burkina et le Niger; du Niger, nous sommes allés vers la frontière avec l'Algérie. De l'Algérie, nous avons pris le train vers Oran, et sommes descendus à 5 km de la gare d'arrivée, afin de ne pas se faire prendre par les contrôleurs et les policiers. Et nous avons marché toute la nuit et toute la journée pour nous rapprocher de la frontière avec le Maroc; et enfin nous sommes arrivés à Tanger. Alors, ici, nous apercevons les lumières d'Espagne; et nous nous préparons à traverser ce vendredi dans deux jours; nous attendons juste de l'argent qui nous sera envoyé par les familles en Guinée; dès que l'argent arrive, nous allons verser les sommes demandées et partir ce vendredi ou samedi avec une embarcation »

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